Katmandou, 4 mars 2020. Notre Airbus vient de se poser sur le tarmac de l’aéroport Tribhuvan. Garuda, dont la statue a retrouvé toute sa splendeur, nous souhaite un majestueux « Welcome to Nepal »
A l’entrée du terminal, un employé revêtu d’une combinaison sanitaire intégrale et armé d’un thermomètre frontal nous met en joue pour prendre notre température et nous laisse passer en nous souhaitant la bienvenue. Cet accueil confirme les propos de Namgyal : le Népal prend le virus au sérieux.
Nous nous hâtons pour passer les formalités d’immigration mais, alors que nous avons fait la demande en ligne, nous devons tout recommencer sur place. Sur la machine à côté de nous, un homme d’affaires népalais se fait aider. Nous avions remarqué sa prestance à Doha, lorsqu’il était assis face à nous dans la salle d’embarquement. Nos destins semblaient liés depuis qu’il s’était résolu à s’installer dans l’avion dans un siège juste derrière nous, après avoir tenté en vain de se faire surclasser.
Notre visa de 90 jours enfin collé sur notre passeport, nous attendons nos bagages avec, comme toujours, une certaine crainte. Il faut dire que lors de notre première incursion au Népal nous avions croisé dans le Khumbu un groupe parti en expédition … avec un duvet pour deux car leurs bagages n’étaient pas arrivés à l’aéroport. Pareille mésaventure nous est également arrivée par la suite, heureusement avec moins de conséquences fâcheuses. Alors, malgré une douzaine de voyages en terre bouddhiste, nous n’acceptons toujours pas la fatalité. Aujourd’hui, cette attente est particulièrement pesante car les gens s’agglutinent devant les tapis roulants au risque de se contaminer. Que font nos sacs ? Pourquoi sortent-ils toujours les derniers ? Finalement, comme d’habitude ils finissent par arriver et nous ne sommes pas très fiers de nos craintes. Un agent de sécurité vérifie que nos reçus correspondent bien à l’étiquette sur nos bagages avant de nous laisser passer. Une précaution dont bien des aéroports pourraient s’inspirer.
Les retrouvailles
A l’extérieur, Tsering nous attend en compagnie de son frère Sonam, le futur marié, et de « notre businessman népalais » qui se révèle être leur oncle, un frère de Zimba venu du Colorado lui aussi pour assister au mariage. Eclats de rire. Après une accolade amicale, Tsering nous pare du traditionnel collier orange d’œillets d’inde en guise de bienvenue. La joyeuse effervescence qui régnait habituellement sur le parking de l’aéroport de Tribuvan a cédé la place à une organisation policée et aseptisée, voulue par les responsables de l’opération Visit Nepal 2020. Rien à voir avec le coronavirus. Le Népal veut seulement redorer son image aux yeux des touristes. Ce nouveau visage sans âme nous dépite beaucoup. Nous déplorons cette normalisation et avons l’impression d’assister à la disparition programmée d’un patrimoine culturel.
Il est plus vingt heures. Nous filons, pressés de retrouver Zimba et Ang Dati. Après le traditionnel et succulent dal bhat, nous rejoignons l’hôtel Khangri, encore en chantier, à deux pas de la maison familiale. La supervision des travaux remplit les journées de Zimba depuis quelques mois. Nous retrouvons « notre » chambre comme si nous l’avions quitté la veille. Trois chambres du dernier étage sont maintenant terminées. Ambiance « Shining » garantie une fois que les ouvriers ont déserté les lieux. C’est extra ! Sange Sherpa, le tonton businessman du Colorado, occupe une des chambres. Après cette longue journée de voyage, nous nous écroulons de fatigue.
Réveillés au son de la trompette
Nous sommes réveillés à quatre heures du matin au son de la trompette de notre voisin bhramane. Ce dévot hindou officie juste sous notre fenêtre. Son petit temple trône sur la terrasse de toit de la grande maison d’en face. Contrairement à Zimba, bouddhiste, qui imagine la gêne pour ses futurs clients, nous adorons cette ambiance. Brigitte retrouve son rituel matinal: thermos de café, cigarette, et écriture du carnet de voyage sur la terrasse en construction du toit de l’hôtel avec une vue magique sur Katmandou et les montagnes environnantes.
Brigitte part se balader à pieds très tôt à proximité de l’hôtel dans les rues étroites très animées. Elle adore s’y perdre… Il faut dire que ce petit quartier populaire de Chabahil a beaucoup de charme avec son marché plein de légumes inconnus, ses petits shops, ses temples hindouistes et sa stupa qui serait la plus ancienne stupa de la vallée de Katmandou et non une réplique miniature du célèbre dôme imposant de Bodnath.
Le temps d’écrire à nos proches pour les rassurer sur l’issue du voyage et d’avertir quelques fidèles amis de notre nouvelle escapade au Népal sur notre bien nommé groupe de discussion « Retour sur Katmandou » et nous retrouvons, chez elle, une Ang Dati inhabituellement stressée, accaparée par les préparatifs qui vont bon train à la veille du mariage. Nous la laissons diriger l’équipe qui installe des tentures pour revêtir tous les extérieurs de la maison et partons en direction de Thamel.