Mardi 19 mai 2020. Réveil 5h00 au paradis de l’oiseau qui se moque de la vagabonde : « Brigitte tu as été assez malade debout ! ». Effectivement, une bonne tourista a largement occupé sa nuit. Elle a tiré avantage de la situation pour avancer ses topos des lieux repérés entre les sorties nocturnes très urgentes.
Man arrive tôt ; Namgyal a appelé de Katmandou pour nous avertir du passage d’un typhon qui arrive du Bengale. Cette alerte météorologique reporte notre périple vers Dammana de quelques jours.
Man part seul au village de Syarpu présenter ses condoléances et celles de ses parents à son oncle, le mari de la bahini de Didi Sandra qui vient de décéder.
Cachés dans la jungle
Ensuite, il pense poursuivre jusqu’à la « hidden valley » que nous aimerions bien découvrir car c’est là que vivraient les maoïstes « underground » qui ont une grande audience à Thabang où leurs partisans ont ajouté l’effigie du Che à la fresque des célèbres camarades communistes.
A leur tête se trouve Biplad qui, initialement, était un lieutenant de Prachanda lors de la guérilla mais qui estime que ce dernier, maintenant au pouvoir, n’est pas allé assez loin dans les réformes et a floué le peuple.
Man préfère reconnaître les lieux seul en un premier temps car il ne sait quel accueil nous sera réservé mais il promet à Brigitte de l’emmener rendre une petite visite aux camarades clandestins quand il aura repéré les lieux et leur camp.
Le réseau « homestay » élargi
Avant de partir, Man appelle Yubahal KC Dahal, le guide de Brigitte à Kanda et Bhim le mari de Manisha à Phera pour leur parler de son projet de « homestay » respectueux des habitants, de la culture, de l’environnement et de l’économie agricole. Yubahal et Bhim sont enthousiastes.
Brigitte est ravie que Man les ait appelés car elle leur avait promis qu’il le ferait. Aujourd’hui, elle a prévu une exploration jusqu’à Bayele.
Mettre un genou à terre
Entre Man, le fou de cartes, et Laurent, le traceur d’itinéraires fabuleux, Brigitte est vraiment bien entourée. Laurent participe largement aux explorations en lui donnant des idées et des conseils avisés. Il l’envoie souvent en reconnaissance pour être ses yeux sur le terrain car ici il ne peut pas déplacer le petit bonhomme jaune de Google Map sur les cartes pour visualiser le relief.
Malheureusement, les genoux de Brigitte ne font pas toujours de leur mieux pour être à la hauteur de la mission. Elle ne dit aucun mal de ses articulations qui, selon la médecine, devraient avoir cessé toute activité depuis bien longtemps mais qui lui procurent toujours de bons et loyaux services que bien des genoux en parfait état rechigneraient à rendre.
Jusqu’à maintenant, ils ont toujours ressuscité. Il y a dix ans, quinze ans après la chute en crevasse responsable de leur état pitoyable, l’un des deux a cessé de vouloir la porter d’un seul coup. Une attelle digne de celle de Forrest Gump lui a permis de bouger pendant trois mois et de continuer d’aller au boulot à pied, condition sine qua non à sa survie.
… pour mieux se relever
Un chirurgien d’âge respectable a accepté de tenter l’opération de la dernière chance alors que ses collègues plus jeunes refusaient d’intervenir. La veille de l’entrée à l’hôpital, miracle, le genou refonctionne ! Coup de fil au chirurgien qui lui dit « Profite mon petit. On annule l’opération ! ».
En quelques heures, billet pris pour Katmandou et rattachement à une équipe qui part faire les hauts cols de l’Everest et l’Island Peak. Bien sûr, elle aurait préféré un itinéraire et un sommet moins connus, façon Laurent mais il était urgent de profiter de cette embellie inespérée et peut-être éphémère !
Laurent lui donna sa bénédiction pleine d’amour et sans aucune réserve . Ce voyage sera formidable. Alors que le groupe dormait dans une lodge voisine, le guide, prétextant qu’il n’y a plus de place pour elle, lui fait la surprise de l’emmener dormir dans la lodge d’Apa Sherpa fermée à l’occasion de sa venue des États-Unis.
Elle passera une soirée de rêve à discuter avec Apa Sherpa, son frère moine à Thame et le guide qu’elle découvrira être leur cousin. Apa Sherpa partira le lendemain pour sa vingt et unième ascension de l’Everest afin de disperser, à la demande de sa famille, les cendres de Sir Hillary récemment décédé. Brigitte ne remerciera jamais assez ce guide merveilleux !
Sans énergie
Arrivée à Garaghat, elle remonte la gorge de la cascade asséchée dont Man avait un souvenir d’enfance émerveillé de flots jaillissants.
Au pied de cette cascade se tient un meeting de jeunes hommes. Comme elle n’a pas envie d’expliquer sa situation car à Garaghat les habitants sont très méfiants, elle fait demi-tour et remonte par facilité la crête des deux villages qui lui est familière. Aujourd’hui, elle n’est pas en grande forme après la nuit agitée de tourista, alors elle prend un itinéraire réclamant un minimum d’énergie !
Brigitte parvient à Phera, heureuse mais épuisée. Le comité d’accueil l’attend ; cela lui redonne beaucoup d’énergie. Impossible de rester car il est tard. Manisha, les enfants, les voisins et Bhim lui disent « à demain ! ». Bhim est enchanté du coup de fil de Man. Quelle chance cette belle vie inattendue!
Assistant cook
Retour à lochabang. Laurent est là : sa grande complicité avec Didi Sandra fait plaisir à voir.
Nous discutons maintenant avec aisance en népalais. Non c’est une plaisanterie! Cependant, comparées à nos échanges initiaux, nos discussions paraissent effectivement fluides et nous sommes très fiers de nous ; c’est déjà ça.
Comme toujours, le dal bhat est délicieux. Laurent est maintenant responsable du mélange oignon, ail et épices choisis dans la boîte magique de Didi. Cette responsabilité est très importante car sans ce mélange le dal bhat ne présenterait pas cette diversité de goûts qui fait qu’on ne s’en lasse jamais.
Sous la menace du cyclone
Cet après-midi, Laurent est monté à Banphikot et en rapporte les échos du monde. Fausse alerte et bonne nouvelle pour Isabel, notre amie de Munich: elle n’est pas contaminée par le coronavirus ; ce n’est qu’un simple rhume. Nos amis de Haute-Savoie non seulement ne nous oublient pas mais s’occupent de notre chalet, de nos factures, du terrain et nous écrivent chaque jour. Merci Yolande, Olivier, Cathy … L’amitié, quel trésor! Il faut toujours prendre grand soin de ne jamais la gâcher sur un malentendu ou sur une petite chamaillerie sans importance! Que serions-nous sans l’amitié?
En Europe, on commence à parler de plan de relance de l’économie. Le « monde d’après » semble déjà bien loin seulement quelques jours après la fin du confinement !
Le cyclone Amphan de catégorie 5 annoncé par Namgyal approche des côtes du Bengale. Un tel phénomène météorologique n’a pas été observé depuis 2007. A priori, il devrait plutôt toucher l’est du Népal mais il vaut mieux être prudent.