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Battage médiatique

Vendredi 17 avril 2020. Réveil 5h00. « Paradis ! », crie l’oiseau qui est bien le seul dans la vallée à ne pas être suspendu à l’annonce des résultats du test PCR imposé à l’homme de Magma, déclaré positif avant-hier après un test rapide.

Ce matin, l’équipe écoute avec encore plus d’attention Radio Sani Bheri car on parle des 6 réfugiés de Horlabot. Ne pas pouvoir comprendre les nouvelles nous oblige à nous en remettre à nos traducteurs. Laurent vit très mal cette dépendance. Brigitte, quant à elle, apprécie juste le plaisir inestimable de rester en dehors des informations. Être submergée par un flot de chiffres macabres lui gâcherait inutilement son paradis.

Directives et dernières volontés

Avant de partir pour sa balade « incognito », Brigitte redit à Laurent que si elle attrape le coronavirus, elle veut rester seule ici uniquement ravitaillée de riz et d’eau chaude. Laurent accepte sachant très bien qu’il ne pourra pas la laisser seule. A quoi bon résister aux dernières volontés d’une femme déterminée !

Laurent ne donne toujours pas de directives, plus à l’aise dans la gestion de crise que dans les problèmes métaphysiques de l’existence. Pour lui, se poser la question serait même inutile. Il veut simplement prendre les choses comme elles viennent, sans anticiper une situation totalement inconnue. De toute façon, si un de nous devait être malade, cela finirait par se savoir et nous serions évacués vers un hôpital, sans doute vers Katmandou. Brigitte n’est pas d’accord : elle est certaine de pouvoir rester ici en quarantaine incognito avec l’aide de Man et de Laurent.

Lockdown renforcé

En montant dans la jungle, Brigitte évite de justesse un long serpent qui traverse le sentier, il est en parfait mimétisme avec l’herbe du chemin car d’une couleur vert tendre. C’est son léger bruissement qui a permis à Brigitte de le repérer juste à temps. Man lui dira qu’il est très dangereux et aveugle.

Ce matin, surprise, Magma est coupé du monde par les forces spéciales militaires qui patrouillent à la sortie de Cherakhet et ont bloqué la piste d’accès par d’énormes pierres et une barrière en bambou. Brigitte remonte les pentes pour ne pas avoir à faire aux militaires qui n’ont pas l’air commodes car elle n’a aucun papier sur elle pour expliquer sa situation.

Lockdown renforcé à la sortie de Cherakhet

Brigitte traverse Simtaru, rejoint Dang et poursuit dans la forêt de pins au-dessus de Horlabot. Elle descend ensuite sur Lochabang en passant devant la jolie maison fleurie des bougainvilliers où le chien dalmatien dénommé Google, ça ne s’invente pas, lui fait la fête. Il est adorable et accueillant comme ses maîtres Magars.

Jamais de repos pour Didi

A Lochabang, nous poursuivons le battage du blé. Nos postes de travail sont maintenant bien définis. Dorje et Brigitte transportent les bottes depuis le champ jusqu’à la pièce de battage où Dazu et Modan les frappent violemment avant de les lancer à l’extérieur où Didi et Laurent extraient les derniers grains au bâton.

La pause déjeuner est bien méritée et l’occasion de récupérer pendant les heures les plus chaudes de la journée. Cependant, Didi ne peut pas profiter de cette pause pour le moment car elle doit préparer les rotis. Ce travail est extrêmement pénible car il fait une chaleur torride dans la cuisine et encore plus tout près du feu. Didi est assise en « demi tailleur », la jambe droite repliée à terre et la gauche également pliée mais en hauteur, le genou collé contre son épaule… Quelle souplesse ! Pour nous cette posture serait une véritable torture mais pour Didi c’est celle du repos.

Malgré sa position ramassée près du sol, Didi s’active dans un nuage de fumée qui n’arrive pas à s’évacuer par le conduit exposé aux rayons d’un soleil ardent. Son visage est couvert de sueur. Ses yeux pleurent. Comment fait-elle pour résister ?

Une improbable médiatisation

Man est descendu pour manger avec nous. Pour les terrassiers d’Horlabot, c’est également l’heure de la pause. Il nous traduit le flash d’information qui parle de nous : « deux Français en auto-quarantaine avec leur équipe à Horlabot ». Le communiqué dit aussi que : « les étrangers ne tiennent absolument pas à rentrer sur Katmandou car ils se sentent très bien au Rukum ». Didi et Dazu sont enchantés d’entendre cette dernière phrase !

Man nous montre sur le téléphone mobile dernier cri de Dorje l’article d’un journal local qui parle également des réfugiés. Malheureusement, si nous parvenons maintenant à décrypter quelques lettres, il nous est impossible de comprendre quoi que ce soit. Si Man continue ses efforts auprès des médias, nous aurons bientôt un reportage sur la télévision nationale !

Brigitte profite de la pause pour filer à Cherakhet acheter un cahier car son carnet de voyage n’a plus qu’une page vierge. La boutique est fermée à cause de la présence des militaires mais son propriétaire la fait passer par derrière. Il lui apprend qu’hier tout le village de Magma a subi le test rapide. Tous les résultats sont négatifs. Quelle bonne nouvelle !

Reconnaissance

Vers 14h, nous nous remettons au travail. Nous finirons très tard aujourd’hui. La mission ne sera accomplie que lorsque Laurent aura achevé de mettre à l’abri la paille dans la maison des buffalos. Il termine son rangement optimisé quand les premières gouttes de pluie s’abattent sur Lochabang !

Un dernier effort pour terminer le battage

Dorje et Modan ont gagné une journée de salaire. Après ces deux jours de travail tous ensemble, ils nous regardent différemment : nous ne rechignons pas à la tâche et en plus notre implication est bénévole. Ils sont surpris. Les touristes que nous étions pour eux jusqu’ici semblent avoir gagné un peu d’estime.

Dazu demande à Man ce qu’il peut nous offrir pour nous récompenser du travail. Nous lui répondons qu’il nous sera difficile de mériter par notre travail leur merveilleux accueil!

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