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Chaite Dashain

Mardi 31 mars 2020. Après cette initiation au chamanisme, nous redescendons avec Man chez ses parents qui, beau cadeau, nous ont invités à manger une soupe de chèvre, le plat des grands événements.

Nous vivons aujourd’hui notre premier festival au Rukum : Chaite Dashain. Si Man ne nous en avait pas touché un mot ce matin, bien que ce soit un jour férié, nous n’aurions rien remarqué tant la vie quotidienne est réglée par les tâches agricoles. Nous fêtons pourtant aujourd’hui la victoire du bien sur le mal !

Une fascinante mythologie hindoue

Les célébrations de Chaite Dashain ou petit Dashain n’ont rien de comparable avec les quinze jours de fêtes familiales de son grand frère, le festival Dashain, qui a lieu en automne. Chaite Dashain est néanmoins important car il est le dernier festival de l’année calendaire népalaise.

Selon l’épopée mythologique du Ramayana, un des textes fondamentaux de l’hindouisme, Ram triompha d’un démon à dix têtes dénommé Ravan avec l’aide de la déesse Durga, symbôle de force et de pureté.

En évoquant Durga, nous avons une pensée pour notre ami coureur des montagnes qui après quelques jours passés à Horlabot a fini par retourner chez lui. Nous nous demandons comment il vit ce confinement.

Attendus par toute la famille

Comme il est tard, Dazu a déjà dîné mais il est resté dans la cuisine pour nous accueillir. Jessica dort, la tête sur ses genoux. Nous nous déchaussons comme il est d’usage pour entrer dans la cuisine. Didi nous attend pour nous servir. Comme tous les jours, elle mangera en dernier. Nous nous asseyons par terre autour du foyer où brûle les dernières braises qui ont maintenu notre soupe au chaud.

Ici, tout le monde mange avec sa main « pure ». A notre grande surprise, Didi nous donne une fourchette. Nous découvrirons bientôt que Dazu a adopté cet instrument. Sans doute une conséquence de son passage dans l’armée indienne dont il est très fier.

Jessica endormie sur les genoux de son intarissable grand-père

Nous imitons Man et versons la soupe sur notre riz avant de déguster avec les morceaux de viande et de sucer consciencieusement les os. Le repas est délicieux.

Le passé militaire de Dazu

Dazu a envie de discuter. Il évoque avec mélancolie la qualité et la profusion des rations militaires en détaillant un à un les ingrédients de la dotation journalière d’un soldat. Deux cents grammes de viande, cinquante gramme de sucre, etc sans oublier le paquet de cigarettes et un quart de rhum.

Dazu nous interroge ensuite sur les relations que nous avons avec les Britanniques ou sur les pratiques agricoles dans notre pays. Man accomplit sa tâche d’interprète avec talent. Parfois, son père oublie de s’arrêter de parler pour lui laisser le temps de traduire. Il nous résume alors rapidement en riant.

Confessions intimes

Nous apprenons que le papa de Man, Nanda Bahadur, notre Dazu, est le prieur de Dhami à l’occasion des grandes pujas qui ont lieu deux fois par an. Ce rôle lui impose des règles strictes : ne pas boire d’alcool et ne pas manger de viande hormis celle d’une chèvre.

Man nous révèle que son père n’a pas toujours eu cette vie d’ascète. Plus jeune, il buvait plus que de raison comme bien des hommes au Népal et corrigeait souvent ses fils. Didi essayait toujours de les protéger mais elle n’était pas épargnée non plus. Du coup, Man et ses frères fuyaient souvent la maison familiale. Engagé dans l’armée indienne, Dazu joua souvent sa solde, perdit, ne donna plus de nouvelles et ne revint que lorsqu’il eût enfin regagner tout ce qu’il avait perdu.

Sans les confessions de Man, nous n’aurions pu imaginer un tel passé à Nanda Bahadur, devenu maintenant un être incarnant la sagesse qui nous offre son hospitalité.

Aujourd’hui, Dazu et Didi ont surmonté toutes ces épreuves. Ils forment un couple remarquable, très tendre qui force notre admiration. Ils sont très attentionnés l’un pour l’autre. Man a pardonné à son père mais il ne lui passe rien et s’échappe encore souvent la maison familiale pour toujours y revenir et reprendre le cours de la vie comme si de rien n’était.

En une seule soirée, par une discussion très libre et plutôt gaie, nous avons découvert le passé sombre de Dazu dont toute la famille parle avec grande liberté. Nous apprendrons de la même façon beaucoup d’autres pans de la vie familiale au cours de discussions très libres entre Man et nous.

Quelle journée !

Dazu est intarissable. Il enchaîne les récits de ses aventures militaires. Man commencer à se lasser de traduire tant il les a déjà entendues. Il est très tard. Nous mettons fin au supplice de notre ami et remontons nous coucher à Horlabot.

Nous passerons beaucoup de soirées à discuter avec les parents de Man de sujets très inattendus et très variés. Ils sont curieux de tout et prêts à veiller très tard malgré le rude travail des champs pour discuter avec nous. Leur ouverture d’esprit est remarquable. Ils nous rappellent un couple d’amis très chers de notre village du Sappey, un hameau de Thônes, situé en Haute-Savoie, avec lesquels nous passons de longues soirées à discuter de sujets très divers.

Journée incroyable. Il y en aura tellement d’autres !

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