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Immersion culinaire

Lundi 18 mai 2020. Réveil 5h00 au paradis des merveilles ; l’oiseau crie « file découvrir les horizons escarpés ».

Brigitte monte à Phera en empruntant un nouveau sentier qui arrive directement au-dessus de la première maison du village remarquable par son toit de chaume. Elle est située non loin de celle de Manisha.

Leçon d’écriture

Les enfants accourent ; Brigitte commence à être connue à Phera. Tout ce petit monde joyeux s’assoit autour d’elle au pied d’un arbre à palabre. Les enfants écrivent leurs noms en devanagari et en caractères latins sur le cahier où elle note chemins, points remarquables et altitudes. Une bahini qu’elle n’avait encore jamais vue les rejoint avec son bébé. La séance d’écriture terminée, les enfants entraînent Brigitte chez Manisha où elle fait la connaissance de son mari Bhim qui est tout aussi sympathique que sa femme.

Le grand frère de Sita est à Thuma Lekh. Tout le village est maintenant réuni sur leur terrasse d’où il doit être possible de faire un long voyage du regard vers les hautes montagnes lointaines par temps clair. Aujourd’hui, tout l’horizon est embrumé.

Nous poursuivons l’exercice d’écriture car tout le monde veut inscrire son nom sur le cahier de Brigitte, y compris Manisha KC, Bhim KC et Sita KC. Brigitte est très fière d’arriver à déchiffrer les noms !

Tous les enfants écrivent leur nom

Faire bon usage du téléphone

Bhim écrit aussi son numéro de téléphone. Ici, peut-être plus qu’ailleurs, il est inconcevable de ne pas s’en servir à cause des longues distances séparant les gens. En fait, ce ne sont pas de si longues distances mais le terrain est souvent difficile et le seul moyen de locomotion est la marche.

Au grand dam de Bhim KC qui ne peut concevoir qu’elle monte en prenant le risque de trouver la maison vide et surtout de ne pas avoir à manger, Brigitte n’utilisera jamais le téléphone. Il appellera même Man pour lui demander de lui faire entendre raison. Cela fera bien rire Man qui sait combien son amie vagabonde est réfractaire à toute organisation.

Cours de nepali

Brigitte n’a pas le temps de dire ouf qu’elle se retrouve face à une assiette de dal bhat succulent. Aujourd’hui, le dal est le fruit d’une légumineuse à gros grains difficiles à cuire mais au goût excellent. Didi Sandra les écrase souvent pour en faciliter la cuisson. C’est le dal que Brigitte préfère.

Elle a amené un banda gobi, littéralement un « chou fermé », car elle sait que la famille de Manisha n’en cultive pas dans son jardin. Ici, on ne dit quasiment jamais merci mais ce n’est pas très utile car les actes suffisent largement à montrer toute forme de reconnaissance et Brigitte comprend que ce chou blanc fait plaisir. Elle se dit que la prochaine fois elle amènera un phulgobi, à savoir un chou fleur. Comme l’utilisation de mots anglais est assez courante, Brigitte a longtemps cru que l’épicière lui demandait si elle voulait un chou « entier ». Aujourd’hui, elle sait que phula signifie « fleur » en nepali.

Quand son mari est là, Manisha ne dit plus rien et se contente de sourire car Bhim parle un peu anglais. Brigitte adore pourtant discuter avec Manisha si vive et si joyeuse qui sait si bien mimer les mots pour me les faire comprendre.

Bhim lui explique qu’ils élèvent quelques khukras car le poulet local vaut une petite fortune. Il faut compter entre 1000 et 1200 roupies pour un volatile élevé de façon artisanale, soit plus cher que le poisson pêché au mépris du danger dans la Sani Bheri vendu à 800 roupies le kilo.

Brigitte fait plein de photos. Le temps passe trop vite ; elle doit déjà repartir.

L’ivresse du deuil

Pour changer, elle remonte de Chinkhet à Horlabot par la ridge de Germa. Bonne intuition car Laurent lui apprendra qu’aujourd’hui des camions militaires ont patrouillé sur la piste entre Chinkhet et Lochabang et l’ont regardé d’un sale œil alors qu’il était assis avec Didi devant la maison.

Descente à Lochabang où le fils du grand frère de Jhula de Didi Sandra est venu en moto de Radi avec sa femme et ses deux enfants suite au décès de la bahini. Il y a aussi son frère, l’autre neveu, que nous ne connaissions pas auparavant, qui est complètement saoul. Les deux neveux ont la tête rasée avec seulement une petite mèche qui pend. Ce type de rasage crânien est obligatoire à chaque deuil familial.

Ici, tout le monde est bienveillant avec les hommes saouls. Aucune remarque désobligeante, aucun fou rire pour les situations ubuesques qui peuvent survenir. Un thé leur est servi et ils repartent en titubant.

Invités chez Didi Magar

Didi Sandra nous apprend que nous sommes invités chez Didi Magar à qui j’ai fait des crêpes et qui nous a donné des racines de thé. Man a disparu on ne sait où. Il est probablement en visite obligée pour le deuil de la bahini de sa maman. C’est bien dommage pour lui car il ne pourra pas nous accompagner au dîner alors qu’il adore les soirées chez ses amis Magars.

La soirée est formidable. Il y a « notre » Didi Magar, son mari et un de leurs deux fils. Le mari et le fils de Didi Magar sont très fiers d’elle et y compris du fait qu’elle soit plus âgée que son mari ! Elle n’a peur de rien, a beaucoup vécu dans l’himal de Dammana où les ours représentent un grand danger.

Apprentis sorciers

Le fils est également un sacré phénomène : il a voyagé pendant 6 mois « pour le plaisir ». Il a visité la Mongolie, l’Éthiopie, le Vietnam, Dubaï et l’Indonésie. Ancien militaire, il a épousé une Chetri et a deux bébés. Il pêche dans le lac Syarpu des énormes poissons qu’il vend 4000 roupies les 10 kg. Le lac Syarpu grouille en effet de poissons mais Man nous a expliqué que cette espèce n’est pas endémique. Elle a été introduite par une mission de l’ONU qui voulait tester l’élevage de poissons dans les lacs d’altitude.

Le lac Syarpu est la cible de toutes les convoitises. Avec son altitude modeste de 1300m, les chercheurs ne pourront guère tirer d’enseignements de cette mission. En revanche, ils ont réussi à perturber l’écosystème du lac. Aujourd’hui, les poissons venus du Teraï prolifèrent et les espèces autochtones ont disparu ! Un véritable drame écologique.

Didi Magar veut que Brigitte l’accompagne à Dammana. Quel honneur, que de plaisir en perspective ! Nous remontons heureux à Horlabot après cette magnifique soirée.

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