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La cigale et la fourmi

Samedi 16 mai 2020. Réveil 5h00 au paradis de l’exploration. L’oiseau crie : « Debout Brigitte ! La vie ne t’attendra pas jusqu’à la fin des temps ! ».

Nous avons une approche très différente de la vie au Rukum. Laurent pense que nous devons nous « économiser » car nous ne savons pas combien de temps nous allons devoir vivre ici dans des conditions auxquelles nous ne sommes pas habitués. Pour Brigitte, il est inenvisageable de ne pas profiter de toutes les opportunités de découvertes que la vie propose quitte à y laisser des plumes.

Les parents de Man ont immédiatement intégré Laurent, de façon naturelle, à leur vie quotidienne. Didi dira « Man et Brigitte sont toujours par monts et par vaux ; Laurent est toujours présent et c’est mieux ». Cependant, même si elle préférerait que nous soyons tous comme la fourmi avec qui elle deviendra vite très complice, elle nous aime de la même façon tous les trois. Son amour est inconditionnel ; elle constate nos différences mais n’essaie en aucun cas de modifier nos personnalités. Merveilleuse et inestimable Didi !

Aux côtés de Didi

Ce matin, après avoir collecté du bois, Laurent descend à Lochabang pour voir s’il peut se rendre utile. Didi lui trouve toujours une occupation. Aujourd’hui, ils sortent ensemble les lourds sacs de blé pour étaler consciencieusement les grains au soleil sur des bâches. La couche doit être uniforme pour que le séchage le soit également. Caresser les grains de la paume de la main à quatre pattes permet également de détecter les dungas, les petits cailloux qui se cachent au milieu de la récolte.

Après ce qui est devenu un rituel depuis un mois, Didi et Laurent vont nourrir les animaux. Laurent porte leur gamelle, une sorte de bouillie liquide. Les chèvres sont servies en premier. Le reste de la mixture chaude est réparti dans deux récipients dans lesquels on ajoute de l’eau froide. Le deuxième service est pour les buffalos, le dernier pour les bœufs.

Aujourd’hui, il fait très chaud. Didi prend soin de sa précieuse bufflonne. Elle l’arrose, la lave , lui gratte la tête. La bête apprécie ce traitement. Après le repas et le bain, Didi rentrent les animaux « au frais » dans leur étable.

De retour à la maison, on entend le son du tambour. Dazu explique à Laurent qu’il s’agit d’une procession funéraire. Un homme de Jhula est décédé cette nuit. Il a fait une chute mortelle en rentrant chez lui après avoir bu un bidon de cinq litres de raksi à Tarchibang ! Les abus d’alcool nuisent gravement à la santé …

Une routine quotidienne

Après le dal bhat, Laurent monte chaque jour à Banphikot sous une chaleur accablante. Il est maintenant adopté par la communauté de l’administration municipale. De retour à Horlabot, il se repose en lisant les livres dénichés sur internet.

En général, le soir, Laurent prépare un bon repas au feu de bois qu’il prend soin de collecter chaque jour pour en avoir suffisamment si nous devons rester pendant la mousson. Sinon, quand nous sommes invités à dîner par les parents de Man, il se contente de faire bouillir de l’eau et remplit les thermos pour le petit déjeuner de demain.

Cette routine s’est installée naturellement. Laurent n’y déroge que pour des occasions d’exception. En résumé, la fourmi est d’une tranquillité très efficace pendant que la cigale vagabonde.

Dans les pas de la cigale

Aujourd’hui, la cigale approfondit le repérage de la montée à Phera par la « ridge des deux villages » car hier elle s’est un peu perdue avant le deuxième village.

Habitat traditionnel

Arrivée à la piste en construction au-dessus du premier village, elle part à droite et prend un chemin qui la fait un peu revenir sur ses pas mais où elle avait vu des bergers hier. Gagné ! Ce sentier arrive à un premier replat puis chemine entre quelques maisons où elle est bien accueillie. Ensuite, il monte dans prairies et jungles inhabitées avant d’arriver en traversée à découvert à un point de vue magnifique sur la vallée de la Sani Bheri River et les horizons lointains brumeux où elle imagine que, pendant la belle saison, de belles montagnes enneigées doivent se dévoiler. Elle quitte à regret ce chemin en traversée qui file vers l’autre côté de la ridge, pour monter jusqu’à une maison au toit de chaume qui est juste en dessous de celle de Manisha.

Brigitte est aux anges d’être arrivée à son but par un magnifique sentier !

Sisne Himal en vue

Aimantée par Thuma Lekh

Personne chez Manisha ! Soudain, alors que Brigitte prend le chemin du retour, le fils de la maison la rattrape et lui dit de revenir. Manisha l’attend ! Elle est revenue tout exprès des champs et veut lui préparer un dal bhat. Brigitte a tout juste le temps de refuser avant d’être servie. Manisha lui offre des « copples » que son fils a cueillies la veille à Thuma Lekh. Elle explique à Brigitte que son aîné passe plusieurs jours par semaine dans ce pâturage avec le troupeau familial. Il en profite pour chasser. D’ailleurs, il est en train de préparer des pièges à oiseaux pour les poser demain là-haut.

Manisha et son fils

Thuma Lekh, ce lieu encore inconnu et si proche fait rêver Brigitte. Imitant Man lorsqu’il évoque le tour inexploré du Sisne Himal, Brigitte se dit « je sens que je dois y aller ! ».

Manisha lui offre également du kaja, ce régal de blé grillé. Dans son sac, Brigitte a un paquet de Puja, du riz soufflé, acheté à Chinkhet. Elle a un peu honte d’offrir cet encas industriel alors qu’eux ont cultivé, récolté, préparé le kaja et cueilli les copples dans un endroit éloigné. Cependant, le riz soufflé semble plaire, peut-être simplement parce que cette nourriture n’est pas habituelle.

Brigitte quitte Manisha et ses enfants à regret. Lorsqu’elle commence à descendre, un homme la rattrape et lui montre sur son portable la photo du Sisne prise d’ici lorsque les nuages ne le masquent pas ! Pourvu que nous puissions le voir avant notre départ !

Loin des yeux, près du cœur

Brigitte retrouve Komala à Chinkhet où elle est venue avec Jessica acheter des barres de fer pour construire une rambarde pour le balcon de la maison de ses beaux-parents. Toutes trois remontent ensemble en discutant joyeusement ! A Lochabang, elles retrouvent Laurent qui trie des lentilles avec Didi et Dazu.

Komala appelle sa sœur Deepa qui vit à Paris avec son mari Amrit qui a été adopté par un couple de Français. Elle nous tend son téléphone pour que nous discutions avec elle en Français. Deepa nous dit « demandez tout ce dont vous avez besoin à mes parents et grands-parents, vous êtes de notre famille ». Ensuite, Didi enlaçant Komala d’un côté et Jessica de l’autre discute face au portable avec Deepa : c’est une réunion de famille version moderne. Le progrès peut avoir du bon. C’est tellement réconfortant de voir cette famille, éclatée géographiquement, unie et solidaire.

Réunion de famille

Nous mangeons un délicieux dal bhat cuisiné avec des grains de café local. Didi dit à Brigitte qu’elle doit manger plus. Une louche de ghyu sur le riz agrémente l’ordinaire.

Man nous appelle. Il est à Garaghat et rentrera tard ce soir. Nous sommes très heureux de le retrouver et il nous semble que c’est réciproque.

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