Dimanche 7 juin 2020, 13h00.
La longue piste est en ocre ce qui lui confère une couleur magnifique, chaleureuse et apaisante. Pour Brigitte, elle lui évoque la terre de sienne, une couleur dont le nom enchanté la fait rêver depuis son enfance. Le chemin carrossable n’est bordé d’aucune habitation et se faufile dans la jungle au milieu des arbres dégingandés. Le spectacle de la lumière intense du soleil diffusée en douceur par la multitude de petits vitraux que constituent les feuilles diaphanes marrons vertes ou jaunes est magnifique. Brigitte l’admirerait jusqu’à la fin des temps.
A Banphikot, elle retrouve Laurent installé devant les bureaux de la municipalité rurale. Il discute avec une charmante amie de Man dont le mari, combattant maoïste, a été tué à Gipsing. Comment imaginer la mort dans ce village éblouissant de lumière ? Les hommes ne respectent rien, même pas la beauté qu’ils seraient bien incapables de créer.
Brigitte file seule à Kanda où l’unique petit shop encore ouvert juste en dessous de la mare aux temples est maintenant complètement vide. Elle se demande où et comment le shop de Cherakhet trouve du ravitaillement.
Cadeau surprise
A Simtaru, une magnifique didi qui l’a vue passer toute cabossée après la chute dans le ravin avant hier, l’attend pour lui offrir des kafals qu’elle a ramassées à Bampu, que d’émotion!
Sur le chemin du retour, Brigitte retrouve Dazu, monté à Cherakhet vérifier l’état de ses rizières.
Il est avec son copain, le vieux monsieur moustachu, qui dit à Brigitte que si elle marche trop, ses jambes vont raccourcir! Elle leur offre des kafals. Dazu prend soin d’en laisser pour Didi, Jessica et Laurent.
Ce soir, séance de jhakri dans le quartier Magar de Lochabang. Didi veut nous y emmener mais Brigitte est vraiment trop fatiguée et déclare forfait bien malgré elle.
Rarissime
Lundi 8 juin 2020, 5h00. Réveil au paradis. L’oiseau crie à Brigitte « tu ne vas pas faire ta larve molle, tu as vu comme il fait beau ! ».
Eh bien si !
Pour avoir l’air moins « molle », Brigitte range la maison, lave le linge, fait la vaisselle avant de s’endormir. Elle comate toute la journée n’ayant aucune idée de ce que fait Laurent si ce n’est le soir lorsqu’il lui amène tendrement le repas qu’il lui a préparé…
En fait, Laurent est descendu désherber le champ de maïs à Lochabang. Dazu et Didi sont partis couper de l’herbe avec Jessica. Trois heures de travail solitaire lui permettent d’éliminer le charmilo sur une petite bande d’un mètre sur quatre… Désespérant ! Didi Sandra vient le libérer pour partager un dal bhat bien mérité.
Entre nepali et hindi
Avant de partir à Banphikot, Laurent assemble quelques expressions glanées depuis notre arrivée et lui dit : « Shaam ko Horlabot khaana khaane ». Didi sourit. Elle semble avoir compris que ce soir nous mangerons à Horlabot.
Aujourd’hui de retour en France, en recherchant ces tournures dans les dictionnaires et autres traducteurs en ligne, nous nous apercevons que « shaam ko » est plutôt de l’hindi. Nous découvrons également que la forme simplifiée de conjugaison que nous avons employé pendant des mois pour dialoguer avec Didi et Dazu et qui consiste à remplacer le « u » terminal du verbe à l’infinitif par un « e » serait plutôt une forme interrogative.
Heureusement que Didi a bien compris que nous ne les invitions pas ce soir à manger « chez nous » à Horlabot, car, lorsque Laurent repasse à Horlabot en montant à Banphikot, il découvre que Brigitte est retournée se coucher. Un fait rarissime qu’il ne risque pas d’oublier de noter dans son carnet de voyage !
Incendie dans la pinède
Après les pluies torrentielles de la nuit précédente, il fait maintenant une chaleur torride. Laurent découvre qu’un incendie a ravagé la pinède au-dessus de notre refuge. Le tapis de longues aiguilles de pin qui recouvrait le raide sentier a complètement disparu. Quant aux arbres, ils semblent avoir résisté. La chaleur combinée à une forte odeur de brûlé donne l’impression de monter dans un four.
Arrivé à Banphikot, Laurent constate que la connexion internet ne fonctionne pas. IT Sir lui dit qu’ils avaient oublié de payer la facture ! Il vient d’appeler l’opérateur pour faire rétablir la ligne. La vraie discussion en tête à tête s’achève brutalement car tous les téléphones des personnes alentour s’activent soudain dans une cacophonie de notifications de messages entrants. IT Sir doit retourner au travail.
Quarantaine à Thamel
Laurent, assis à l’ombre sur la banquette en béton qui borde les bureaux de la municipalité rurale, prend des nouvelles de l’épidémie. En France, tout semble rentrer dans l’ordre. Les autorités se plaignent désormais d’avoir acheté trop de masques… Au Népal, la situation s’aggrave doucement. Le gouvernement a réquisitionné une quarantaine d’hôtels, en particulier dans le quartier Thamel, pour loger les personnes placées en quarantaine. Quelle chance nous avons d’être au Rukum, loin de tous ces soucis !
En redescendant à Horlabot, Laurent découvre qu’une nouvelle zone de la pinède a brûlé depuis son passage. Serait-ce une forme d’écobuage ?
Brigitte dort encore. En fait, elle a dû se recoucher car la cuisine est parfaitement rangée. Laurent prépare le dal bhat. Pour la première fois, il est satisfait du résultat. Son dal est parfaitement épicé et il n’a pas l’apparence d’une purée.
Pour le dîner, Brigitte sort quelques instants de son état léthargique avant de retomber dans un sommeil profond.