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Le Sisne par procuration

Samedi 6 juin 2020, 5h00. Brigitte se réveille. Sans le conseil avisé de oiseau qui lui crie « les chemins dominent le vide … sois légère! », elle n’aurait que le sentiment d’avoir fait un mauvais rêve.

Miracle ! Elle bouge la tête, les jambes, les bras. Tout semble fonctionner normalement. Elle n’est même pas très endolorie. La vie est belle. Merci la providence, dirait notre ami Marc ! Par prudence, Laurent lui a tout de même fabriqué une nouvelle magnifique minerve avec un morceau de notre matelas en mousse.

Ce matin, il pleut des cordes. Pour autant, Man ne repousse pas son départ. Il est bien décidé à partir aujourd’hui explorer son tour du Sisne. Il monte tôt à Horlabot pour prendre des nouvelles de Brigitte. Rassuré, il charge dans un doko quelques restes de notre expédition avortée : une vingtaine de litres de kérosène, une tente North Face, une casserole, un réchaud. Nous ajoutons 4 kilogrammes du riz donné par la municipalité de Banphikot. Le doko ainsi rempli nous semble bien lourd pour un seul porteur ! Didi Sandra lui prépare un gros sac de kaja.

Départ en tracteur

Brigitte part à Chinkhet avec Man à la recherche d’un tracteur qui l’emmènera à Radi et espère en trouver un autre là-bas pour rejoindre Gautamkot où il espère trouver un compagnon de route, un porteur avec qui il va partager cette aventure. Nous ne pouvons le suivre sur les chemins de son rêve car nous sortirions de la municipalité rurale de Banphikot et nous nous sommes engagés à ne pas le faire en échange de la liberté d’y circuler.

Ne pas circuler !…. Hors de question de prendre ce risque!

Man revient seul de Chinkhet sur un tracteur ; il prend le doko à Horlabot et file vers l’aventure. Didi est inquiète comme à chaque fois que Man part. Maintenant, elle va nous annoncer chaque soir le nombre de jours d’absence de Man et nous demander s’il a appelé. Man a de la chance, l’amour de Didi est inconditionnel!

Sus au charmilo !

Brigitte rentre de Chinkhet à pied et nous repartons avec Didi piocher le charmilo. Didi a mis en place une nouvelle technique  : elle fait des tranches de terre de 20 cm de haut où elle tente de repérer tous les oignons y compris ceux qui sont petits comme des têtes d’épingles. Désherber ainsi un mètre carré de terre demande un temps fou et il en reste toujours et toujours même lorsqu’elle pense avoir tout enlevé. Didi persévère ; nous l’aidons par affection mais sans conviction. Dazu a renoncé.

A la fin de la journée, tout comme les voisins qui se contentent toutefois d’enlever uniquement les gros oignons de charmilo, nous comblons les nids de poules de la piste avec notre « récolte ». Les roues de l’unique tracteur qui fait les aller-retour entre Chinkhet et le haut de la vallée chargé à bloc de pierres, de sable ou autres matériaux vont accrocher les bulbilles et les transporter comme des passagers clandestins qui iront coloniser des terres plus loin. Etaler le charmilo sur la piste nous semble donc une mauvaise idée… mais nous ne sommes pas paysans et ne nous sentons aucune légitimité pour leur dire de faire autrement. Bien souvent, les grandes découvertes naissent d’erreurs. Alors qui sait ?

Après avoir nettoyé quelques mètres carrés, malgré la minerve, les cervicales de Brigitte lui demandent de ne pas exagérer. Pour une fois, elle obéit !

Une bouteille à la mer

Pour une raison mystérieuse, ce soir, nous décidons d’écrire un courrier au rédacteur en chef de Trek Magazine pour lui proposer un article sur notre vie au Rukum. Est-ce le besoin de témoigner de la richesse de cette expérience extraordinaire ? Est-ce l’envie de remercier la famille de Man et toutes ces personnes qui nous ouvrent leur quotidien ? Est-ce l’enthousiasme de Man à l’idée de voir sa région mise en lumière ?

Toujours est-il que nous lançons cette bouteille à la mer en dépassant nos réticences et nos craintes de mettre en péril notre paradis après en avoir longuement discuté avec Man qui est certain que le tourisme au Rukum ne sera jamais destructeur. Selon lui, il sera possible de le maîtriser et il se résumera qu’à quelques personnes logeant chez l’habitant et immergées dans la vie quotidienne des agriculteurs. Les prix du logement et des repas seront calculés pour être en parfaite adéquation avec ceux de l’agriculture afin de ne pas déstabiliser l’économie agricole et apporter simplement un petit revenu supplémentaire permettant aux jeunes de rester au pays. Brigitte est très dubitative.

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