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De Mahat à Maibang

Dimanche 22 mars 2020. Les nouvelles du matin ne sont pas rassurantes. Man a appelé son frère. Le Népal vient de fermer sa frontière terrestre avec l’Inde. Les rassemblements de plus de vingt-cinq personnes sont interdits. Plus aucun bus ne quitte Katmandou. Tout le monde s’inquiète non pas du virus mais des conséquences de verrouillage du pays qui rappelle le blocus de six mois imposé par le puissant voisin indien à l’automne 2015, au lendemain du tremblement de terre dévastateur. La population s’était vite retrouvée privée de nourriture, de carburant et de gaz. Au cœur de Thamel, nous avions vu les gens démonter les étais en bois qui soutenaient leurs maisons fissurées par le tremblement de terre du printemps et menaçant de s’écrouler. Ce combustible de fortune leur permettait de cuisiner leur dal bhat quotidien.

Après un petit déjeuner au soleil, nous descendons 600m d’une colline sillonnée par une nouvelle piste qui a causé de très importants glissements de terrain. Au pied de la colline, on découvre un immense chantier de travaux publics. Durga et Man sont révoltés par ces projets ravageurs de paysages et sans intérêt à leurs yeux.

Un projet de route abandonné défigure la colline de Mahat

Après avoir traversé la Thabang Khola aux environs de 1400m, nous remontons à travers les terrasses cultivées en direction de Maibang. Durga court de toute part pour saluer tous ses amis. Nous marchons au milieu de figuiers, de bananiers et de petits buissons piquants, maintenant couverts de fleurs jaunes, qui donnent de délicieuses baies bleu marine qui en séchant prendront bientôt une couleur rouge. Au Jaljala, nous venons de nous délecter de ces petits fruits rescapés de l’hiver.

Une halte au paradis

Une heure plus haut, nous faisons halte pour le déjeuner à Puranagaon, le vieux village. Un lieu paradisiaque d’où la vue dominante est d’une beauté apaisante. Des épis de maïs sèchent sur les balcons. Nous apprendrons plus tard que les habitants conservent ainsi les plus beaux spécimens dont ils planteront les grains avant la mousson. Des trois maisons couleur ocre sortent une multitude d’enfants, d’hommes et de femmes qui abandonnent leurs tâches pour venir à notre rencontre pour observer notre cuisine de campagne et pour discuter avec nous.

Puranagaon

La vie semble paisible comme si les habitants étaient assez sages pour se contenter du plaisir de voir le blé pousser au milieu d’un cadre magnifique. Cette facilité trompeuse est malheureusement bien souvent l’unique ressenti des touristes qui ne font que traverser la rude vie de ces paysans qui ne montrent jamais leur peine morale ou physique. Des touristes pressés qui accumulent des clichés volés d’enfants souriants. Des touristes charitables qui distribuent des sucreries, des cahiers, des stylos pour soulager leur conscience sans penser à la mendicité qu’ils sont en train de faire germer et que plus tard ils dénonceront.

Cependant, ici, loin des itinéraires surfréquentés, fort heureusement, rien de tout cela. Prendre le temps de s’arrêter et de partager est naturel comme il est instinctif pour tous ces gens de nous accueillir sans rien attendre en retour.

Les plaisirs simples de la vie

Durga est accueilli comme un membre de la famille. Il nous offre un bol de lait frais de buffalo et du kaja, le popcorn local.

Ici, comme partout dans le Rukum, on fait circuler la sulpa, un chillum en terre cuite remplie de tabac local et plus rarement de marijuana. A tour de rôle, chacun la fume en penchant la tête légèrement de coté et en se protégeant la bouche avec un petit morceau de tissu noirci par la fumée maintenu élégamment entre les doigts.

Man nous fait goûter un énorme pamplemousse qu’il a dégoté en chemin. Il en extrait méticuleusement la pulpe avant de le saupoudrer de sucre et de piment. Tout le monde se régale !

Difficile de repartir

Après le repas, nous quittons à regret ce bel endroit. Une montée raide nous attend jusqu’à Kuchiban, 1900m. Nous arrivons à un petit abri qui sert de dispensaire en contre bas du village. Un vieil homme se fait soigner un doigt très abîmé par une jolie bahini infirmière.

L’équipe n’est pas encore arrivée. Nous montons au village avec Man et Durga en quête de riz. Tout en haut, nous en trouvons dans une petite boutique. Hélas, quand Bhim arrive, la didi a refermé son échoppe pour aller chercher de l’eau à la fontaine. Elle est loin maintenant. Inutile d’attendre son hypothétique retour.

Didis sur le chemin de Maibang

Nous repartons, sans riz, sous un violent orage accompagné de bourrasques de vent et rejoignons un magnifique chemin qui monte de Rukumkot. Nous le suivons jusqu’à un replat, juste avant Maibang. Quatre didis reviennent d’une puja de naissance les dokos chargés d’une cuisse de chèvre et autres chapatis. Elles veulent être prises en photo à nos côtés. Nous en sommes très honorés. Elles s’amusent de découvrir leurs visages sur le minuscule écran de notre appareil photo. Nouvelle rencontre éphémère !

Délogés par les joueurs de volleyball

Situé à 2300m, Maibang est un village à l’habitat très dispersé. A l’entrée, le seul endroit plat sert de terrain de volleyball, le sport national bien adapté au relief du Rukum. Nous pensons y monter le camp mais soudain des jeunes arrivent de partout, c’est l’heure du match ! Nous enlevons nos vêtements mis à sécher sur le filet. Le spectacle est de qualité. Quelques vieux messieurs sont venus le regarder.

Un spectateur très attentif

Encore une fois, Durga est comme chez lui : il a dormi un peu plus haut il y a moins d’une semaine. Il nous mène à une toute petite boutique en tôle, complètement enfumée, et bourrée à craquer de jeunes qui jouent aux cartes. Il n’y a pas de riz mais nous ne sommes guère inquiets car Man et Durga sont pleins de ressources.

Bhim arrive fièrement avec un sac de 3 kg de riz achetés en chemin. Le repas de ce soir est assuré. En revanche, nous abandonnons vite l’idée de la soupe d’orties quand, nous approchant des plantes, nous découvrons une multitude d’insectes qui ne se laisseront pas déloger.

Notre voisin intrigué nous observe

Nous montons les tentes à toute vitesse au dessus du terrain de volley car il pleut fort par intermittence. Man ne monte pas la petite tente une place qu’il porte sur son sac à dos. Ce soir, Durga l’épicurien l’emmène dormir dans une maison habitée par ses amies, trois sœurs, au demeurant plus charmantes les unes que les autres.

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