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Prémices de mousson

Jeudi 18 juin 2020, 5h00. Réveil au paradis. L’oiseau crie « tu as oublié de noter l’altitude à laquelle il faut franchir l’arête en montant sur la crête des deux villages pour rejoindre Garabang ! ».

Au Rukum, l’altimètre de Brigitte est devenu fou. Il peut indiquer une centaine de mètres de différence pour le même endroit d’un jour sur l’autre et même entre le matin et le soir. La pression atmosphérique varie brutalement et parfois à contre-courant de l’humeur du ciel. C’est assez déroutant car il n’est pas rare de voir l’altitude augmenter, signe d’une baisse de pression, alors même que le temps tourne au beau. Bref, l’altimètre fait ce qu’il veut et il est difficile de compter sur lui pour prévoir la météo et encore moins pour connaître l’altitude d’un lieu.

Pressions capricieuses

Seules les différences relatives entre deux points assez proches ont une chance d’être correctes et encore faut-il marcher assez vite, sans accepter aucune invitation à manger rotis, papayes ou autres bonnes choses. Brigitte s’astreint à noter consciencieusement l’altitude de tous les points déjà connus d’un itinéraire mais bientôt elle laisse son esprit vagabonder au fil des rencontres et les relevés sont de plus en plus espacés. Le lendemain matin, au réveil, elle recale avec soin les altitudes de ses topos. Parfois, comme aujourd’hui, il lui manque des données cruciales et elle doit retourner les chercher sur le terrain. Laurent se demande si elle ne fait pas exprès…

Brigitte décide donc de retourner à Phera. Pendant ce temps, Laurent agrandit le potager pour semer les graines de courge que Didi lui a donné hier. Les concombres commencent à sortir. Bientôt, qui sait, l’autonomie alimentaire !

Vers l’autonomie alimentaire…

Du porridge pour les buffalos

Plus tard, il descend à Lochabang où il retrouve Didi qui malaxe la pâte des rotis. Dès qu’il arrive, elle lui montre la gamelle de porridge destinée au cheptel. Depuis plusieurs jours, Laurent se charge spontanément de monter la lourde gamelle jusqu’à l’étable. C’est devenu sa tâche.

Les chèvres se servent en premier et sont vite rassasiées. Le reste de la mixture encore chaude est partagé dans deux gamelles, dilué avec beaucoup d’eau et servi à maman buffalo et à son petit qui est déjà un beau bébé de deux cents kilos… Laurent ne sert pas les buffalos car il n’a pas encore apprivoisé ces animaux imposants. C’est Didi qui approche les gamelles dont ils aspirent le contenu avec gloutonnerie. Visiblement, ils apprécient.

Aujourd’hui, le troisième service, réservé aux bœufs, n’aura pas lieu car ils sont à Cherakhet avec Dazu pour labourer les rizières.

Fibres de chanvre avant le déluge

Une douceur pour les garus

Pour Didi, il est l’heure d’aller cuire les rotis. Elle met de côté une grosse boule de pâte pour les garus, c’est ainsi qu’elle nomme les bœufs. Comme Laurent semble surpris, elle mime la scène et place ses mains en guise de cornes au-dessus de sa tête. Comment lui dire qu’il avait bien compris qu’elle parlait des bœufs mais que la surprise venait de la nourriture qu’elle leur destinait ? Il n’imaginait pas que les bœufs puissent dévorer cette boule de pâte sans s’étouffer.

Après le repas, Didi donne à Laurent des graines germées. Elle lui dit « ahile » en riant, et fait le geste pour les mettre en terre. Ces deux-là commencent à bien se comprendre ! Alors que Didi part à Cherakhet avec des rotis pour Dazu et la collation des bœufs, Laurent remonte à Horlabot et s’exécute sans savoir ce qu’il plante dans notre potager. Il monte ensuite à Banphikot où il arrive juste avant le déluge.

« Rukum, corona chaina !»

Dans le hall de la Municipalité Rurale, la télévision montre le Premier Ministre Oli qui fait une déclaration à l’Assemblée. Que peut-il bien dire ? Malgré la pluie diluvienne, internet fonctionne. La barre des 8000 cas de coronavirus va bientôt être franchie au Népal. Un des employés vient voir Laurent et lui dit : « Rukum, corona chaina ! ». Effectivement, il n’y a toujours aucun cas au Rukum.

Côté administratif, les nouvelles sont plutôt bonnes : une note du Ministère de l’Immigration informe que les étrangers dont le visa a expiré pourront régulariser leur situation s’ils quittent le Népal dans les quinze jours suivant la reprise des vols internationaux réguliers. Néanmoins, la flambée relative de l’épidémie ne laisse guère augurer une réouverture prochaine de l’aéroport Tribhuvan de Katmandou.

Spleen à Horlabot

Arrivée à Phera, Brigitte rend une visite rapide à Manisha car, comme de l’autre côté de la vallée, il pleut des cordes. La piste est très dangereuse à cause des nombreux glissements de terrain qui se produisent parfois juste avant ou après son passage. Trois petits bergers avec leurs chèvres l’accompagnent jusqu’à Jhula.

Ravitaillement en eau

De retour à Horlabot, après avoir bu le thé à Lochabang et partagé une churot avec Didi et Dazu, Brigitte retrouve Laurent qui n’a pas vraiment le moral : trop chaud, trop de pluie, mal aux yeux. Bref, rien ne va. Il ferait se pendre un régiment de clowns. Heureusement qu’il n’est pas Baudelaire et, en général, il suffit de dire une énorme bêtise pour le faire rire et que « le ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle sur l’esprit gémissant » redevienne lumineux.

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