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S’adapter au Rukum

Lundi 27 avril 2020. Réveil 5h00 au paradis où l’oiseau crie son bonheur de vivre libre avant le réveil de sa rivale radio Sani Bheri.

Au cours de sa très longue balade, Brigitte rencontre Dila qui ramasse les branches couvertes de feuilles tendres dont se régalent ses buffalos. Comme toujours, la discussion est très amicale. Dila ne peut enseigner puisque les écoles sont fermées.

Le café local

A Dang, un petit garçon veut que Brigitte le prenne en photo, il s’appelle Thanka. Soudain, il part en courant et revient tenant au creux d’une de ses petites mains un joli mélange de quelques petits pois de différentes tailles et couleurs qui sentent bon le café. Il lui dit : « khane », « mange ». C’est très croquant et délicieux comme tout ce qui vient du paradis !

Man, voyant nos réserves de café soluble diminuer malgré les mesures drastiques de restriction que nous nous sommes imposées, nous a déjà parlé de ce « café » local que les gens torréfient puis jettent dans l’eau bouillante. Nous serons étonnés par l’arôme de cette boisson très similaire à celui du café . Son goût cependant est assez insipide et c’est probablement pourquoi Didi le consomme avec beaucoup de sucres.

S’alléger du superflu

Lorsqu’au bout de plusieurs mois, un petit shop ouvrira de nouveau à Chinkhet offrant de minuscules pots de nescafé, nous en achèterons pour en boire tous les matins avec Didi et Dazu qui en raffolent et, une fois n’est pas coutume ne feront aucune remarque sur la dépense. Ces moments de convivialité inestimables justifieront bien cette petite entorse à notre désir de nous adapter à la vie locale.

A chaque fois que nos réserves s’épuisent en une denrée qui nous semblait plus ou moins indispensable, nous prenons d’abord des mesures de restriction, puis nous nous en passons sans aucun problème la remplaçant par ce que les gens utilisent ici. S’adapter au Rukum, c’est juste oublier le superflu.

Cuisiner au bois

Ce sera le cas pour le thé avantageusement remplacé par une infusion de racines provenant de l’alpage de Damana de Didi Magar. Chaque fragment de racine peut être utilisé cinq jours de suite. Il suffit de rajouter chaque jour dans la bouilloire quelques grains de poivre pillés. Cette boisson qui prend une couleur cuivrée est délicieuse et aurait même des vertus médicinales. Nous ramènerons des racines à la maison et, à notre grande joie et surprise, une amie concoctera cette boisson qu’elle nous dira aimer.

Les pastilles de micropur

L’eau potable est devenue notre principal soucis. Nous comprenons vite que notre stock de pastilles de « micropur » dimensionné pour la durée prévue de notre séjour ne nous permettra pas de tenir très longtemps sous le soleil du Rukum. Nous réalisons rapidement que faire bouillir l’eau n’est pas une alternative viable car notre stock de bois est limité. Alors, comment purifier l’eau pour nos organismes habitués à trop de stérilisation ? Cette question nous préoccupe un peu car il serait indécent de tomber malade et de créer des soucis à Didi et Dazu.

La solution s’est présentée à nous hier en assistant à la préparation du ghyu. Nous avons pu constater que le petit lait dont Didi et Dazu nous régalent depuis notre arrivée contient beaucoup d’eau. Man ayant dit à Brigitte que cette eau provenait de la fontaine située au bord de la piste, à l’angle de leur maison, elle s’est sentie en grande confiance pour la tester.

Boire l’eau des sources

Avant de remonter à Horlabot, elle en a bu plusieurs gorgées. Au petit matin, aucun effet « grains d’hellébore » du lièvre et la tortue : point de purge ! Le tour est joué. Il suffit donc de faire comme les gens d’ici. Laurent testera également avec succès l’eau de la fontaine. Cependant, il ne faut pas s’enflammer et prudence garder car de tous les tuyaux ne coule pas une eau propre à la consommation. Nous l’apprendrons bien vite à nos dépens. Un rappel à l’ordre brutal et heureusement sans conséquences durables. Nous nous contenterons dès lors de l’eau des fontaines.

Nous sommes soulagés d’avoir franchi ce pas important dans notre adaptation au Rukum car sans eau la vie est assez difficile !

Les chaussures

Ensuite, viendra le tour des chaussures… Ici, les pluies, notamment pendant la mousson de juin à septembre, sont tellement diluviennes que nos chaussures de pays au climat tempéré ne résistent pas. Celles de Brigitte vont lâcher en premier ! Il faut dire qu’elle marche beaucoup plus que Laurent, explorant et ré-explorant les moindres recoins du territoire au fur et à mesure de son apprivoisement.

Elle se rendra alors à Chinkhet Bazar espérant trouver une petite boutique ouverte vendant les chaussures qu’utilisent les didis de Lochabang et de tous les environs. Il s’agissait de magnifiques babouches en plastique appelées tchapal.

Certaines sont rustiques en robuste plastique noir ou bleu marine avec une large bande sur le dessus du pied qui le maintient assez bien dans les descentes raides. Les autres sont plus seyantes, de couleurs vives, rose, violette, rouge… La bande sur le pied est très étroite et ornée de 5 « diamants ». Leur plastique semble bien moins solide que celui des tchapal rustiques.

Apprivoiser les tchapal

Privilégiant le confort à la beauté, Brigitte a vainement tenté de trouver des tchapal rustiques au grand étonnement de la propriétaire du petit shop qui lui vantait la beauté de celles à diamants. Brigitte est finalement repartie pieds nus dans des tchapal roses à diamants. Ce seront les premières des cinq paires qui chacune résisteront à environ 25000 m de dénivelé et pas mal de kilomètres avant de devenir trop déformées.

Au début, les pas de Brigitte n’étaient pas très assurés mais après une ou deux heures elle a eu l’impression d’avoir toujours été chaussée ainsi. Ces tchapal ont beaucoup d’avantages : elles sont aisées à quitter avant d’entrer dans les maisons ou tout type de chaussure est banni, elles traversent les torrents d’eau déferlant sur les gués pendant la mousson et tout aussi facilement les passages de boue si leur propriétaire a des dons de patineurs. De plus, elles font un petit pied très élégant !

Se chausser pour la mousson

Traverser un torrent d’eau avec des tchapal n’est pas une corvée, bien au contraire, cela leur redonne un aspect neuf et fait briller leurs diamants de mille feux, toujours un grand plaisir pour les yeux. Par ailleurs, cela procure le bien-être sans prix du rafraîchissement des pieds cuits au soleil. Contrairement au port de nos chaussures sophistiquées, celui des tchapal permet de considérer le passage d’un torrent d’eau comme un immense plaisir… sauf lorsque les flots sont trop tumultueux pour permettre aux petites jambes humaines de leur résister.

Les didis sont sensibles au fait que Brigitte ait opté pour les « chaussures népalaises ».

Dès le lendemain, Laurent en voudra une paire bien que ses chaussures soient encore utilisables. Il aura de la chance car, dans sa taille, Brigitte trouvera des tchapal rustiques plus robustes et plus stables.

Les vêtements

Après les chaussures, ce sont les vêtements qui vont rendre l’âme, usés jusqu’à la corde par le soleil brûlant et une utilisation intensive du fait que nous avions plutôt prévu des habits pour le froid de la haute montagne que pour les chaleurs torrides des collines.

Les tailleurs intouchables dans leurs petites échoppes feront un travail remarquable.

Le papier toilette

Le papier toilette n’existe simplement pas ici. Brigitte opte pour une solution végétale de substitution quand Laurent pousse au paroxysme le rationnement de son rouleau. Le rythme d’une demi-feuille quotidienne lui permettra de tenir jusqu’à notre départ. A Katmandou, nous nous apercevrons qu’un gros rouleau était resté caché au fond de nos sacs d’expédition jamais ouverts à Horlabot étant donné leur contenu inadapté au climat de Banphikot ! Cette découverte nous vaudra un beau fou rire avec Namgyal et Zimba.

Finalement, le papier toilette est bien inutile. Combien de matière première et d’énergie gâchons-nous chaque année dans nos sociétés du confort de la triple épaisseur ?

Les produits d’entretien

Nous allons employer des produits naturels en guise de lessive ou de liquide vaisselle.

La lessive peut être remplacée très efficacement par des « billes de savon bio » tombées des arbres. Une fois ces fruits durs dénoyautés, ils sont empaquetés dans un chiffon pour former une boule de la taille d’un pamplemousse qui après avoir trempé dans l’eau l’eau pendant 24 heures devient un savon efficace pour frotter le linge.

En guise de produit vaisselle, nous emploierons la cendre du feu de bois. Didi en dépose toujours un petit tas avec un morceau de chiffon au bord de la fontaine. La cendre est un dégraissant particulièrement efficace.

Faire sa lessive au savon bio

Les médicaments

Pendant la mousson, nous verrons beaucoup de personnes, parfois très affaiblies, parcourir des kilomètres avec un cathéter sur le dos de la main. Ils se rendent dans le dispensaire le plus proche, à Banphikot ou à Chinkhet, pour y recevoir leur dose journalière d’antibiotiques nécessaire à la guérison des nombreuses infections entretenues par la boue et l’humidité permanentes.

Bien qu’il nous soit possible d’aller à Chinket Bazar dans un petite officine chercher des médicaments, Brigitte testera la médication locale par les plantes, notamment la sève antiseptique d’une sorte de géranium géant planté au bord des piste ou poussant seul dans la nature. Laurent doute encore de son efficacité. Brigitte aurait peut-être dû l’écouter et attendre moins longtemps avant de se soigner avec des antibiotiques plus conventionnels…

Nous n’aurons heureusement pas l’occasion de tester les feuilles géantes ovales d’une plante sauvage qui sont frottées sur les piqûres d’insectes ou morsures de serpents dangereux.

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