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Sagarmatha

Samedi 11 avril 2020. Réveil 5h00 aux cris de l’oiseau du paradis. Les nuages se dissipent au lever du jour. Encore une belle et chaude journée en perspective.

Aujourd’hui, Brigitte connecte toutes les explorations précédemment faites, se faisant enfin le plaisir d’une immense boucle. Il était temps, l’année népalaise se termine demain !

Laurent et Man dégagent le tas de lauzes remplacées il y a bien longtemps par des tôles pour les mettre à l’abri au rez-de-chaussée de la deuxième maison. Entre les pierres, Laurent fait connaissance avec les scorpions du Rukum. Un danger que nous ne soupçonnions pas au Népal.

Reprise des travaux

Gangaram et Bulldozer vont pouvoir attaquer la zone entre les deux maisons. Le ballet des pioches et de la pelle tractée reprend dans une ambiance joyeuse.

Le circuit de l’ocre de Jhula

Brigitte à peine de retour, Man esquisse un circuit sur un morceau de papier. Il nous envoie en reconnaissance du côté de Jhula, un village situé en face d’Horlabot sur l’autre versant de la vallée. Sa belle-famille y habite. Didi est native de ce hameau. Nous pouvons donc y aller seuls car comme il connaît tout le monde, dire qu’il est notre ami sera un laissez-passer.

De Lochabang, nous prenons un moment la piste en direction de Chinkhet puis la quittons pour descendre à la rivière en nous faufilant au milieu des terrasses. Nous traversons à gué juste en face d’un impressionnant cône d’éboulis. Tant bien que mal, nous le remontons pour atteindre un magnifique chemin horizontal qui est en fait le prolongement du balcon que nous avons emprunté depuis Tarchibang pour aller chez Bina.

La carrière d’ocre de Jhula

Nous rejoignons la crête qui arrive de Chinkhet et la remontons au milieu de la jungle en suivant un petit sentier. Les jeunes feuilles marrons translucides des arbres dégingandés coexistent avec un feuillage vert plus ancien laissant diffuser une belle lumière. Nous sommes au beau milieu de la carrière de Jhula, celle où les tantes de Man viendront bientôt extraire la terre pour redonner de la belle couleur ocre aux maisons d’Horlabot. La croupe est parsemée de trous creusés à la pioche.

Un surnom énigmatique

Après avoir croisé une piste qui monte vers Jhula, nous empruntons un large chemin qui nous offre un magnifique panorama sur notre refuge et toute la colline de Banphikot. Juste avant d’atteindre le pipal tree indiqué sur le schéma de Man, nous passons près d’une maison. Un homme vient à notre rencontre. Nous nous apprêtons à lui expliquer pourquoi nous sommes ici et surtout que nous n’avons pas le coronavirus mais c’est à peine nécessaire car il est immédiatement très accueillant. Nos quelques mots de népalais nous valent tout de même un joli quiproquo. Nous essayons de lui dire que nous habitons chez Man Bahadur KC et l’homme nous répète amusé qu’il s’appelle lui-même Man Bahadur KC !

Soudain, il comprend et s’exclame « Sagarmatha ! ». Nous découvrons que c’est ainsi que les habitants surnomment notre ami Man. Pourquoi ce nom ? Aurait-il gravi l’Everest ce cachottier ? Il faudra questionner Man à notre retour…

La colline de Banphikot sillonnée de chemins
Horlabot, notre refuge

En revanche, peu après le pipal, nous sommes très mal reçus. Un homme sort. Il ne veut pas nous écouter et nous demande de ne pas prendre le chemin qui passe devant chez lui et mène au col que nous visons, celui que nous voyons si bien depuis Horlabot. Ceci nous contraint de quitter la croupe pour rejoindre la piste à gauche et arriver sans encombre au col nommé Puranagaon, le vieux village.

Ce col est semblable à celui de Neta Pokhara, décoré d’une laide enfilade de petites boutiques en tôle. Un couple tient la seule qui est ouverte. La didi nous indique le chemin pour Sandanbura. Il faut se faufiler entre les boutiques pour le trouver. Juste en dessous, nous passons au-dessus des bâtiments d’une ancienne école avant de trouver deux hommes affairés à scier des planches.

En terrain connu

Une centaine de mètres plus bas, nous arrivons à Panabang. Le village est magnifique. Nous traversons les cours des maisons prêtes pour le battage du blé. Il y a beaucoup de monde dehors mais les gens ne sont pas effrayés par notre présence et nous indiquent spontanément le chemin que nous devons suivre. Nous n’avons même pas besoin d’expliquer qui nous sommes.

Sandanbura vu depuis Panabang

Après une traversée au milieu des pins, nous arrivons en terrain connu au-dessus de Sandanbura et poursuivons vers Tarchibang. Nous croisons sur le sentier une jeune fille adorable qui porte son bébé. Elle doit avoir à peine quinze ans. Nous évitons de justesse la pause raksi avant de traverser le pont suspendu et de rentrer par la piste que nous commençons à connaître par cœur.

A Lochabang, Dazu et Didi « repeignent » le sol d’un mélange de bouse et d’ocre qui selon Man, au-delà de son caractère très esthétique, est très solide. Ils font cette opération avant chaque récolte car c’est ici que les grains seront nettoyés de l’ivraie. Nous buvons avec eux le thé rituel et remontons à Horlabot, pressés d’interroger Man sur son surnom énigmatique.

Man a décidé de refaire l’abri de chaume de la deuxième maison avec Dhami. Il planifie cela en cachette de Dazu qui n’en voit pas l’utilité.

La révélation

Alors pourquoi ce surnom de Sagarmatha ? Tout simplement parce qu’il a gravi l’Everest en 2012 et plus encore parce qu’il devint alors la première personne originaire du Rukum et même de toute la zone Rapti à l’ouest du Népal à gravir l’Everest.

Il nous parle des difficultés qu’il a connues avec l’expédition « maoïste » menée par le fils de Prachanda, le général en chef de l’armée du peuple devenu Premier Ministre. Arriver au sommet avant ceux qui mettaient des obstacles en travers de sa route était devenu pour Man une véritable obsession.

Man, un militant au sommet de l’Everest

Avant d’entreprendre cette ascension, Man avait consulté Dhami qui lui avait dit « tu auras un grave accident mais tu arriveras au sommet ». Dhami avait vu juste : au camp 3, Man et ses deux compagnons ont été pris dans une avalanche qu’ils pensaient à tort pouvoir filmer sans encombre. Ils ont été sauvés par d’autres grimpeurs qui les ont redescendus blessés au camp de base.

Quelques jours plus tard, à peine remis, sans ébruiter leur nouvelle tentative, Man, Nima Tenji Sherpa, un sherpa expérimenté, et Nishat Majumder, une himalayiste du Bangladesh, sont repartis. Cette fois leurs efforts ont été couronnés de succès. Alors que Man devenait le premier « summiteer » du Rukum et de toute la région, Nishat Majumder était quant à elle la première Bangladaise au sommet de l’Everest.

L’honneur sera sauf pour les maoïstes qui le lendemain allaient hisser le drapeau rouge du parti sur le Toit du Monde.

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