Accueil > Népal > Confinés mais libres > Thamel

Thamel

Rickshaw en direction de Thamel

Bien souvent, Thamel est le premier contact avec le pays. Pris en charge à l’aéroport, la plupart des touristes sont déposés dans les hôtels de ce quartier. Les premiers pas au Népal se font donc, pour beaucoup, dans les ruelles de Thamel.

Thamel est très clivant. On adore ou on déteste. Avec Brigitte, on a choisi notre camp : on est tombé sous le charme.

Thamel, c’est d’abord un brouhaha incessant dans lequel se mêlent les klaxons, la musique des échoppes, le bruit de la foule, des rires. Tous les sons sont amplifiés par l’étroitesse des ruelles écrasées par la hauteur des bâtiments. Sans cesse, on se fait interpeller par un vendeur ambulant qui tend ses petites boîtes de baume du tigre ou par un autre qui joue quelques notes sur un sarangi, une sorte de violon miniature. Depuis plus de dix ans, nous retrouvons Maya, une figure du quartier, qui vend des petits sacs en soie très vite effilochés et qui est devenue notre amie.

Retrouvailles avec Maya

Thamel, ce sont aussi des panneaux publicitaires en pagaille pour les centaines d’agences de trekking, restaurants ou salons de massage empilés dans les ruelles ou nichés dans les arrière-cours.

Plus discrètement, un dealer passe à côté de toi en te glissant un mot chargé de sens « smoke ? ». Eh non Brigitte, ce brave homme n’est pas en train de te demander une cigarette…

Des trafics en tout genre

Les enfants des rues et les mendiants, encore très présents au début des années 2000, ont disparu de Thamel et même de Katmandou. Que sont-ils devenus ? Est-ce le résultat d’une directive du Ministère du Tourisme ? Seule une poignée de femmes vous accostent encore un bébé dans les bras pour demander de l’argent. De nos jours, on les trouve plutôt en périphérie du quartier.

Thamel, c’est également l’omniprésence des salons de massage, façades à peine déguisées de lieux sordides de prostitution. Un véritable fléau dont personne ne parle. La police laisse faire, coincée entre la loi, la pression des organisations de défense du droit des femmes, la pression des clients et sans doute la manne non avouable de la corruption.

Thamel, c’est encore le paradis de la contrefaçon. Des copies plus ou moins grossières de polaires ou de doudounes affichant fièrement le logo d’une marque réputée. En terme de popularité, « The North Face » arrive très loin devant les autres. Les vêtements contrefaits sont parfois de très bonne facture et issus des mêmes usines qui fabriquent légalement les produits des marques réputées.

Des marques créées par des népalais ont vu le jour. « Sherpa Adventure Gear » avec son slogan « We are Sherpa » est devenue assez célèbre. La qualité est au rendez-vous mais les vendeurs alignent désormais leurs prix sur ceux des marques occidentales.

La contrefaçon n’est pas le domaine exclusif du textile. On trouve des reproductions de CD ou de DVD et même des livres dont le texte truffé de fautes d’orthographe a dû être recopié.

Un quartier en pleine mutation

Autrefois, avant que les flammes ne la détruisent, la librairie Pilgrim’s était une véritable institution. Le magasin qui porte aujourd’hui le nom de Pilgrim’s n’est que l’ombre de ce lieu qui était assez magique. A côté des vitrines contenant des ouvrages anciens et rares, on pouvait consulter des livres tout en prenant un thé confortablement installé au fond du magasin.

Un soir, à la veille d’un sommet international organisé par le Népal, une sorte de G8 des pays de l’Asie du Sud, et alors que nous achetions nos cinnamon rolls, nous avons assisté au goudronnage de Thamel. A la pelle, sans masque pour se protéger des fumées toxiques, des intouchables étalaient le bitume fumant sous les voitures qui continuaient de rouler. Et paradoxe … peu de temps après ces ruelles sont devenues piétonnes, interdites à la circulation motorisée.

Les cafés internet ont laissé la place aux connexions Wifi offertes gracieusement par tous les restaurants. Les bureaux de change affichent des taux de conversion plus ou moins intéressants. De l’encens se consume exagérément dans toutes les boutiques et vient se mélanger aux odeurs de cuisine.

Un paradis bientôt perdu

A Thamel, sous la pression financière des investisseurs chinois et indiens, les prix de l’immobilier explosent. A en croire les caractères imprimés sur les pancartes et affiches publicitaires, une rue entière est devenue chinoise. Des hôtels neufs et bien entendu plus luxueux remplacent les hébergements bas de gamme. Le quartier est-il en train de se transformer en China Town ? Les routards vont-ils être priés de faire place nette ?

En prenant la direction de Durbar Square, on quitte rapidement la zone touristique pour se perdre dans des ruelles toujours aussi étroites où les motos et les rickshaws devenus rares se frayent un chemin au milieu des piétons dans un véritable concert de klaxons et de sonnettes.

Les ruelles bordées d’échoppes

Très fragilisé par le violent tremblement de terre du printemps 2015, le quartier vétuste avec ses maisons étayées est en sursis. Combien de temps faudra-t-il pour que des promoteurs rasent et modernisent ce quartier traditionnel qui jouxte Thamel ? Les petites échoppes avec leur volet en bois sculpté disparaîtront alors pour toujours de Katmandou, remplacées par des grands magasins, des hôtels de luxe et des bureaux. Cette transformation de la ville est déjà en route.

Tous les sens en éveil

Pour l’instant, nous profitons de cette vie trépidante et authentique. Les senteurs de la cuisine épicée se mélangent à celles de l’encens pour enchanter notre odorat. Un patchwork de couleurs vives défile devant nos yeux écarquillés. Des femmes en saris très colorés, pressées, nous frôlent. Elles nous bousculent pour éviter la lourde charge d’un porteur ou le sac accroché au pare-buffle d’une moto.

Nous nous laissons guider par notre instinct. Notre chemin passera sans doute par les principaux carrefours d’Asan Tole ou d’Indra Chowk. On y trouve en permanence un marché très animé avec des épices, des légumes.

Friture de poissons séchés !

Entre une boucherie où la viande est posée à même le sol en terre battue et un magasin de casseroles en aluminium, nous apercevons un passage dérobé. Nous nous y engageons, la curiosité prenant le pas sur la gêne. Derrière le goulet étroit et sombre, nous découvrons une cour intérieure pleine de lumière dans laquelle une forme de vie villageoise s’est recréée. En son centre, un temple hindouiste est bien caché du regard des touristes. Un peu surpris dans leur intimité, les habitants ne sont pas hostiles. Peut-être parce que nous n’avons pas un guide à la main et l’appareil photo dans l’autre pour prendre un selfie devant la statue de Vishnou.

Vagabonder dans les ruelles

Il est facile de déambuler pendant des heures et, séjour après séjour, de toujours découvrir des trésors secrètement dissimulés. Parfois, il suffit de lever la tête pour découvrir une magnifique galerie ancienne en bois somptueusement sculptée surplombant la ruelle au dernier étage d’un vieux bâtiment.

Le vrai patrimoine culturel de Katmandou ne serait-il pas caché dans les recoins secrets de ce quartier ? Chut ! Ne dîtes rien. Laissez les touristes débourser mille roupies pour contempler les ruines de Durbar Square.

Depuis notre retour du Langtang, le quartier de Thamel a perdu un symbole : son légendaire arbre à fils électriques. Ce poteau planté au milieu du principal carrefour du quartier, immortalisé par tous les touristes, a disparu, victime de la normalisation et des opérateurs installent la fibre optique.

Heureusement, les apple pies et thés masala sont toujours aussi bons au café Weizen, rebaptisé Rickshaw depuis quelques années, et les innombrables bureaux de change nous permettent d’accomplir notre mission du jour : troquer des euros contre une pile de roupies.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *