Accueil > Népal > Confinés mais libres > Tombée du ciel

Tombée du ciel

Vendredi 5 juin 2020, 5h00. Réveil au paradis du Rukum. L’oiseau crie : « Vous n’êtes pas immortels ! ». Brigitte lui répond : « Je le sais, mourir m’est égal mais je ne veux pas gâcher une goutte de la vie avant d’en atteindre la fin ! ». Laurent dort encore mais il n’aurait probablement pas répondu cela car il n’a jamais été à une goutte de vie près. Question de point de vue … Brigitte se projette peut-être plus dans le futur immédiat quand Laurent veut peut-être profiter plus intensément de l’instant présent.

A Lochabang, seuls Didi et nous continuons le désherbage du maïs car la partie couverte de charmilo exige trop d’attention pour envisager une aide rémunérée ou du troc. Nous respectons le choix de Didi et poursuivons l’arrachage des bulbes de toute taille… Qui sait, c’est peut-être elle qui a raison ? Des jardiniers amateurs témoignent que l’obstination peut parfois payer contre cette plante invasive. Néanmoins, il nous semble difficile de reproduire ce travail de fourmi à l’échelle d’un champ.

Des fonds pour le « Sisne Round »

Après quelques heures, Didi met fin à ce travail. Brigitte monte à Banphikot par Cherakhet. Laurent et Man la rejoignent par un chemin plus direct. Dharma KC, le chef de la municipalité, vient nous saluer. Man lui parle de notre projet d’écrire un guide de randonnée autour de Banphikot. Immédiatement, Dharma propose de nous prêter un ordinateur. En fait, Man a rendez-vous avec lui pour parler de son projet de reconnaissance du tour du Sisne. Nous les laissons discuter.

Laurent attend notre ami en téléchargeant de la lecture glanée sur internet. Man sort radieux de son entrevue avec Dharma. Il a obtenu une subvention de 25 000 roupies pour partir en reconnaissance et 100 000 de plus pour cartographier l’itinéraire du « Sisne Round ». Une aubaine en plein confinement !

A quelques centimètres près

Brigitte n’a pas attendu. Elle est montée seule à Kanda pour reconnaître un chemin qui revient en traversée par Bargaon puis Simtaru et Cherakhet. Cet itinéraire est magnifique. Au-dessus de Simtaru, elle croise sa petite copine Babula. La vie est belle quand, soudain, le chemin casse sous ses pas et s’effondre. Bascule dans la vide et plongeon la tête la première dans un petit ravin… Brigitte a juste le temps de se remémorer les paroles prémonitoires de l’oiseau en attendant le choc fatal.

Un bruit sourd. Brigitte vient d’atterrir cinq mètres plus bas dans un tas de terre à dix centimètres d’un gros rocher. Un vrai miracle ! Bouche, oreilles, nez sont emplis de terre ; elle saigne de la lèvre sans gravité ; ses lunettes de soleil ont été éjectées mais ne sont même pas cassées. Elle a juste très très mal aux cervicales et se demande comment elle va être capable de sortir de ce ravin et ensuite faire les quelques kilomètres restants pour rejoindre Lochabang.

Brigitte et son ange gardien

Un petit garçon adorable au sourire annihilant toute douleur a tout vu ; il arrive par le bas en courant pour lui rapporter… son bâton télescopique resté en haut ! Il montre à Brigitte la sortie du ravin. Elle est vraiment sonnée mais enchantée de son petit guide. Elle pense qu’elle va sûrement mourir tellement elle a mal aux cervicales mais cela ne l’inquiète pas car elle a vécu de si belles choses.

Le petit garçon la quitte après l’avoir remise sur le chemin principal mais les gens du village prennent le relais en l’accompagnant silencieusement de leurs regards protecteurs et réconfortants comme s’ils se sentaient un peu responsables de la rupture de leur chemin. Brigitte s’efforce de ne pas trop bouger la tête pour préserver les cervicales et arrive à Lochabang à bout de forces.

Plus le cœur à la fête

Loin d’imaginer les mésaventures de Brigitte, Laurent et Man sont rentrés de Banphikot en faisant une halte à Simtaru chez les beaux-parents de sa nièce Komala où ils ont dégusté des épis de maïs grillés. Du coup, ils arrivent trop tard à Tarchibang où ils espéraient voir un jhakri en pleine séance à l’occasion d’un festival Magar. Tant pis, ce sera pour une autre fois. Sur le chemin du retour, ils en ont profité pour visiter les rizières de Cherakhet. Le riz local, le meilleur du monde selon Dazu, commence seulement à germer sous la surface alors que le riz hybride est déjà sorti de l’eau.

En chemin, Laurent et Man ont acheté de la viande pour fêter ces bonnes nouvelles. L’arrivée de Brigitte marchant rigide comme un robot pour ne pas faire bouger sa tête va gâcher l’ambiance. Laurent lui bricole immédiatement une minerve avec du carton et une bande sous les regards compatissants de Didi, Dazu et Man qui voudraient l’emmener sur leur dos à l’hôpital de Chinkhet.

Après le repas, nous remontons à Horlabot. Brigitte se couche immédiatement. Elle est certaine qu’elle va mourir cette nuit en faisant un faux mouvement du cou…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *