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Le grand départ

Jeudi 23 avril 2020. Réveil 4h30 du matin, non pas par les cris de l’oiseau mais par Modan qui nous dit au revoir et nous amène, tout gêné, la liste du matériel de cuisine. Brigitte est très triste, elle a beaucoup d’affection pour Modan et Dorje et craint qu’ils ne puissent survivre à Katmandou. Elle espérait que la nuit leur porterait conseil.

Modan et Dorje semblaient vouloir rester mais ils obéissent aux injonctions de Bhim, leur chef d’équipe. Après l’épisode d’hier, nous doutons de la sincérité des relations que nous avons pu avoir avec eux. Après tout, c’est aussi le frère de Modan qui leur a mis en tête de porter plainte contre leur employeur… Brigitte ne veut pas entendre ces arguments : Modan c’est Modan, son frère c’est son frère !

Horlabot, le paradis déserté

Cuisiner au feu de bois

Nous allumons le feu de bois pour cuisiner car le dernier des deux réchauds à kérosène a finalement rendu l’âme hier soir. Jusqu’à maintenant, Bhim a utilisé le carburant que Man avait réussi à dénicher lors de notre passage aux environs de Musikot. Cependant pour faire bouillir l’eau, l’équipe faisait un feu de bois dans un trou à même le sol de la première pièce du rez-de-chaussée, la cuisine de « leur maison ».

Comme cette pièce est située sous une chambre, dépourvue de conduit d’évacuation et que les volets de ses deux fenêtres refusent de s’ouvrir, la fumée ne peut sortir que par la porte. Malheureusement pour les cuisiniers, elle n’en a pas souvent l’envie. Pour faire bouillir l’eau, cela n’est pas très grave car il suffit de remettre un bout de bois en apnée de temps à autre. En revanche, préparer le dal bhat dans ces conditions est impossible sous peine d’étouffer rapidement.

A Lochabang, la cuisine est une extension accolée à la maison. Son toit offre une grande terrasse utilisée pour les repas de fêtes ou pour faire sécher au soleil les récoltes. Didi allume son feu de bois dans un trou creusé dans le sol, au centre de sa cuisine. Une petite ouverture a été percé à l’aplomb du foyer, au beau milieu de la terrasse. Cette évacuation sommaire n’est pas très efficace mais elle permet de profiter d’une lame d’air presque pur d’un mètre de hauteur environ en dessous d’un épais nuage de fumée âcre. En entrant dans la cuisine, il convient donc de s’asseoir avec souplesse et rapidité pour échapper à l’asphyxie.

Depuis notre retour en France, Man a installé un conduit directement au-dessus du foyer pour évacuer les fumées sur le côté de la maison. Il nous a envoyé une photo. Nous sommes vraiment contents car Didi respirera moins de fumée. Nous n’osons imaginer l’état de ses poumons soumis à la fumée du feu de bois et aux vapeurs de la sulpa et de la churot!

Vive la modernité

Laurent et moi décidons de cuisiner dans « notre maison » car il y a au premier étage un petit foyer en argile à deux trous en enfilade avec un conduit d’évacuation percé dans le mur, à l’arrière du bâtiment. L’extraction des fumées se fait plus ou moins bien selon la météo mais c’est nettement mieux que dans l’autre maison car dans « notre cuisine » il y a deux fenêtres et une porte !

Lorsque Didi habitait ici avec ses beaux-parents pendant que Dazu était soldat en Inde, elle n’utilisait pas ce foyer « moderne » car il lui était impossible de faire cuire des rotis dessus.

Nous nous en sortons assez bien avec ce foyer à deux trous. Bientôt, Laurent deviendra un expert en cuisine avec une méthode très stricte : pendant que l’eau chauffe dans la bouilloire sur le premier trou en dessous duquel brûle le bois, le dal cuit sur le deuxième trou.

Quand l’eau bout, nous remplissons nos thermos pour le café du lendemain matin, nous nous préparons un thé et nous versons le reste sur les soja beans qui se mettent à gonfler. La casserole de riz prend alors la place de la bouilloire.

Prise en main de la cuisine

Rituel culinaire

Pour les quantités, nous serons bientôt rodés. Il suffit de deux tasses d’eau pour une tasse de riz pour obtenir le bhat à la « mode Rukum ». En effet, si ces proportions sont bien respectées, l’eau est totalement absorbée par les grains et vous obtenez un riz plutôt compact et délicieux qui servira de repas du soir et de petit déjeuner.

Pour le dal, nous sommes moins conventionnels. Chut ! Il ne faut rien dire à Didi ! L’autocuiseur ne nous permettant pas de surveiller l’avancement de la cuisson, nous obtiendrons un jour par hasard une délicieuse purée de lentille. Dès lors, nous déterminerons les proportions idéales de notre dal à une tasse de lentilles pour trois tasses d’eau, un piment et des épices.

Crime de lèse majesté, nous ferons cuire nos légumes directement au milieu de notre purée de dal pour économiser notre stock de bois. Ce mélange épicé versé sur le riz pour Laurent et les soja beans pour Brigitte constituera notre repas du soir pendant tout notre séjour.

Dazu nous a mis en garde : ne jamais manger de riz plus de douze heures après sa cuisson sous peine d’être bien malades. Dazu viendra vérifier nos gamelles chaque matin pour s’assurer qu’elles sont vides et que nous observons bien les instructions qui garantiront notre survie.

Oiseaux furtifs

Pendant que Laurent prend en main la cuisine, Brigitte essaye sans succès de photographier les magnifiques oiseaux bleus marine à longue queue parée de carrés blancs. Leur beauté ne se dévoile qu’en vol et ils sont si rapides qu’il est impossible de la fixer sur une image. Le plaisir de les observer lui suffira vite.

Brigitte ne change pas ses habitudes et part pour sa grande balade rituelle. Un petit garçon lui donne des grains de café local qu’il extrait de sa poche. Il l’attendait pour lui offrir ce beau cadeau, elle est vraiment très émue.

Être autonomes

Dhami est un amour. Sachant que l’équipe est partie, il vient nous proposer de manger avec sa famille. Nous devrons lui prouver que nous sommes capables de nous nourrir seuls avant de décliner l’invitation. Il en sera de même avec Didi et Dazu.

Depuis notre arrivée, nous essayons d’être le plus autonomes possible. Nous ne voulons en aucun cas être à la charge de nos amis népalais si hospitaliers. Nous essaierons toujours d’établir un échange et ne mangerons avec eux que lorsque nous aurons travaillé pour eux. Tous les matins nous leur préparerons un thé de racines (ou un café quand nous aurons pu en acheter après des semaines d’abstinence) lorsqu’ils viendront couper l’herbe ou les branches à Horlabot. Nous prendrons toujours soin d’avoir toujours des churots (cigarettes) à offrir.

Soulagement

Man nous appelle, il a mis l’équipe dans un bus sans autorisation car il n’a pu remplir le formulaire sur internet. Il croise les doigts pour qu’ils arrivent à bon port car il n’en peut plus de l’agressivité de Bhim. Il profite de sa soirée à Khalanga pour récupérer de son trajet avec Bhim plus agressif que jamais et pour voir ses amis. Man rentrera demain.

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