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« Ramro kam »

Jeudi 14 mai 2020. Réveil 5h00 au paradis où l’oiseau crie « debout, il faut soigner la varicelle noire des champs ! ».

Avant de s’adonner aux travaux des champs, Brigitte tient à partager avec Laurent sa merveilleuse découverte de la veille. Nous partons donc très tôt et arrivons à Kanda vers 8h. Malgré l’heure matinale, il fait déjà très chaud.

Visite express à Dudhila

Perché sur la colline exposée aux rayons ardents du soleil, le village de Dudhila offre de superbes couleurs. Depuis hier, la mer de blé doré a reculé sous l’effet de la marée humaine venue récolter les épis. Brigitte est ravie car Laurent apprécie ce tableau magnifique.

Pourquoi ces champs ne sont-ils pas encore récoltés alors qu’à moins de cent mètres, en dessous du village, les terres sont déjà garnies de fumier ? Un nouveau mystère. La vue des tas de compost nous rappelle à l’ordre. Dazu et Didi nous attendent à Lochabang !

Sanctuaire de Dudhila

Tracas administratifs

En descendant, nous faisons un petit détour par Banphikot pour tenter vainement de faire notre déclaration de revenus… Normalement, nous aurions dû être rentrés en France et nous n’avons pas vérifié que l’application des services fiscaux fonctionnait encore sur notre téléphone.

Une mise à jour de l’application s’avère nécessaire mais le débit de la connexion est insuffisant pour accomplir cette opération. Ces soucis administratifs n’écornent pas notre bonheur au paradis du Rukum. Nous devenons fatalistes.

Banphikot et la vallée de Lochabang

Au travail !

Lorsque nous arrivons, heureux d’être pile à l’heure, nous comprenons que le rendez-vous fixé à 13h était pour manger le dal bhat avant de faire la sieste avec eux car il fait trop chaud pour travailler dans les champs avant 16h00.

Nous déclinons l’invitation tentante de la sieste et commençons l’étalage du fumier sur le très vaste champ. Ce travail est plus fatigant qu’il n’y paraît car les pâtés faits de bouses de buffalos entremêlées de paille sont denses et ont séché au soleil. Ils sont donc très difficiles à désenchevêtrer. Des coups énergiques de posalo finissent par avoir raison de leur résistance.

Il faut ensuite répartir uniformément le compost à la main pour couvrir toute la terre. Après des débuts approximatifs, nous prenons un rythme de croisière et accomplissons notre tâche avec zèle. Après avoir cassé un tas, nous empoignons les grappes de fumier pour les secouer sur le carré délimité par les tas suivants.

Gagner le respect

Petit à petit, les passants et les voisins arrivent et s’assoient au bord du champ pour nous regarder. Une fois n’est pas coutume, nous sommes les deux seuls à travailler ! La rumeur fait son effet et bientôt nous avons un bon nombre de spectateurs.

Après trois heures de travail intensif, nous décidons d’arrêter pour aujourd’hui car nous sommes épuisés par l’effort, la posture courbée et la chaleur. Nous terminerons demain. Nous sommes contents d’avoir trouvé un travail relevant de notre compétence ! A chaque étape des travaux agricoles, il nous faudra trouver une tâche pour laquelle nous serons efficaces.

Au travail sous le soleil du Rukum

Félicitations méritées

Après leur sieste, Dazu et Didi découvrent avec stupéfaction le travail que nous venons d’abattre. « Ramro kam », nous disent-ils. « Joli travail ». Ces félicitations nous ravissent car pour une fois elles sont méritées ! Le champ a pris belle allure avec son fumier qui lui donne une couleur marron homogène sur une grande partie de sa surface.

Nous sommes assez fiers d’avoir conquis l’estime des spectateurs et surtout celles de nos hôtes.

Dazu nous adresse un sincère « dhanyabad » que nous savourons à sa juste valeur car ici le mot « merci » n’est pas galvaudé. Cette parole rare n’est pas devenue une simple formule de politesse. Il n’est pas d’usage de témoigner de la gratitude pour des actes quotidiens qu’il est juste normal d’accomplir sans rien attendre en retour. Au Népal, passer le sel ne justifie pas un remerciement…

Labeur récompensé

Déchargés de la mission compost, Didi et Dazu peuvent nettoyer le blé. Cette activité est le fil rouge qui rythme désormais leur fin de journée, dès que la petite brise remonte la vallée.

Brigitte file chercher des cigarettes pour Didi qui n’en a plus. La rumeur dit qu’on peut en trouver à Chinkhet mais c’est faux. Elle rentre bredouille. Pendant ce temps, Laurent a broyer les épis de blés qui ont résisté au battage manuel au prix d’un travail très physique. Si le pilon en fonte est très lourd, c’est surtout la répétition de l’effort qui est usante. Le rendement énergétique de l’opération est douteux. Les quelques centaines de grammes de blé auront du mal à compenser les calories dépensées.

Récompense suprême pour notre travail: Didi et Dazu nous ont préparé une soupe de poisson de la Sani Bheri River. C’est sans doute le plat le plus prisé de la vallée ! Nous sommes très touchés. Man a appelé, il rentrera après-demain. Dazu est déçu car il espérait le retour de son fils pour l’aider à labourer le champ et à semer le maïs.

Questions déplacées

Un adolescent de la belle famille de Komala, la fille de Bina, petite-fille de Didi arrive et nous posent plein de questions qui nous semblent bien incongrues par rapport à ce que nous vivons ici depuis notre arrivée : « Combien payez-vous pour loger à Horlabot ? Donnez-vous de l’argent à Dazu pour le dal bhat ? ».

Bref, nous sommes un peu en colère de ses questions. Nous apprendrons plus tard que certaines personnes à l’esprit mal tourné par la vie à Katmandou ou à l’étranger accusent Man, Didi et Dazu de profiter de notre présence pour récupérer beaucoup d’argent.

Il y a des esprits chagrins partout même au Rukum. Man nous dira de ne pas en tenir compte mais nous démentirons les accusations pesant sur Dazu et Didi à chaque fois que nous le pourrons car cela nous fait beaucoup de mal de voir des personnes si généreuses être accusées à tort.

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